
Poèmes
Le Père Sevin a laissé derrière lui plusieurs poèmes empreints de foi et de recueillement.
À travers des vers simples mais profonds, il exprime sa dévotion, son amour du Christ et sa vision du scoutisme comme chemin spirituel. Ces poèmes sont autant de prières que de méditations, invitant chacun à s’élever et à marcher avec confiance dans la lumière de l’Évangile.
Être prêt
Il faut savoir d'abord afin d'agir après.
Depuis qu'un jour J'ai dit aux Douze : Soyez prêts,
Rien ne sert l'ignorance et le pas-fait-exprès.
Sois prêt comme un vrai scout à la minute exacte
Avec ta volonté si tu conclus ce pacte,
À l'heure du besoin elle te reste intacte.
Sois prêt comme un vrai scout à faire à tout moment
Pour le prochain, ton frère, acte de dévouement ;
Et s'il ne te plaît pas, donne-toi doublement.
Sois prêt comme un vrai scout à toutes les surprises,
Aux hasards de la rue, aux rixes, aux traîtrises,
Et de toi-même alors, conserve la maîtrise.
Sois prêt à recevoir qui te vient déranger,
Sois prêt à secourir le pauvre et l'étranger,
Sois prêt comme un vrai scout à courir au danger.
Sois prêt ; et pour cela il faut que tu pratiques :
On n'improvise pas les actes héroïques,
Ils sont le résultat de long labeurs stoïques.
Sois prêt quand la vertu réclame tes efforts,
Sois prêt à triompher de l'éternel Retors,
Sois prêt chaque matin à recevoir mon Corps.
Sois prêt à pardonner car c'est prouver qu'on aime,
Sois prêt à faire honneur au Dieu de ton baptême,
Et, si tu marches seul, à marcher droit quand même.
Sois prêt à t'immoler sur un banal autel,
Sois prêt comme un vrai scout à répondre à l'appel
Sois prêt à tout moment à partir pour le Ciel.
Publié pour la première fois en 1921, in "Chants de la Route et du Camp", section Poèmes à dire
La lumière et la rose
Soyez béni, mon Dieu, pour ma sœur la Lumière,
Que vous avez créée au premier jour du monde,
Quand votre amour, enfantant la matière
Illumina l'espace de sa splendeur vivante et blonde.
La Lumière, votre Lumière, mon Dieu, c'est votre plus belle invention,
Elle ruisselle à travers toute votre création,
Et sans elle, en dérive dans l'éther illimité,
La terre morte ignorerait la Vie et la Beauté.
J'ai donné tout mon cœur
J'ai donné tout mon cœur aux jeunes gens de France,
Ouvriers ou bourgeois, aristos, paysans,
Tous ceux qui vers le ciel font monter leurs seize ans
Gros de tant d'avenir, lourds de tant d'espérance.
Ils sont si beaux, les jeunes gens de mon pays
En qui rayonne encor la grâce du baptême,
Que je n'en puis croiser un seul, tant je les aime,
Sans que d'un mâle émoi mon cœur n'ait tressailli.
Je les aime en aîné qui trouve en eux ses frères
En soldat qui chérit ses jeunes compagnons,
Je les aime, et voudrais connaître tous leurs noms
Pour mieux les effeuiller au fil de mes rosaires
Je les aime pour leur regard limpide et franc,
Pour ces yeux dans les yeux qui vont tout droit à l'âme,
Et qui, comme une flamme allume une autre flamme,
Font que d'un coup, sans rien se dire, on se comprend.
Je les aime pour le son clair de leur beau rire
Où semblent ruisseler des perles de cristal ;
Il n'a rien de grossier, il n'a rien de brutal,
C'est la gaîté fine et française qu'il respire.
Et leur main est si large et leur cœur est si prompt
Qu'on les voit prêts toujours à toutes les offrandes :
Dieu se meut plus à l'aise en leurs âmes plus grandes,
C'est un reflet de lui qui flotte sur leur front.
Ils portent l'avenir entre leurs mains fidèles,
La race et l'adversaire ont les regards sur eux ;
Chastes, ils fonderont des foyers généreux,
Et nos filles auront des époux dignes d'elles.
C'est pourquoi j'applaudis à leurs vastes exploits,
C'est pourquoi je frissonne au vent qui les soulève,
Car ils sont le salut, car ils sont la relève,
Et leur jeune soleil va dorer nos ciels noirs.
Aussi souffrir pour eux n'est pas une souffrance,
S'user, quand c'est pour eux, on le fait en chantant,
Et mon travail fini, j'irai voir Dieu, content :
J'ai donné tout mon cœur aux jeunes gens de France...
